Tau'Va Tsua'm
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 Une autre histoire

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Shas'o vior'la shova kais
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MessageSujet: Re: Une autre histoire   Une autre histoire - Page 2 EmptyJeu 12 Mar - 20:11

"_Possibles echos en approche, dans le 648, monseigneur."
Marziel se rua vers la console. Enfin, un but, un espoir ! Même si le signal n'était pas celui qu'il attendait, il se réjouissait d'avoir une occasion de tourner son esprit vers des actes.

"_Identification ?"

"_En attente monseigneur....Identification impériale, c'est un code inquisitorial, nous n'avons pas accès à plus de données" ajouta le serf avec un air mortifié.
"_Néanmoins, on peut lire le nom du navire : c'est le Triumph of Partenor, croiseur de classe Lunar." lanca, surexcité, un autre serf un peu plus loin.
Un court instant, Marziel eût la vision très claire de la rivalité qui opposait les deux serviteurs qui se disputaient ses faveurs.

"_C?est vous qui faites ça ?" rugit Marziel à l'encontre de l'autre. "Je ne m'intéresse pas à la psyché de ces stupides serfs !"

"_Ne parles pas au démon !" se gaussa l'autre d'un ton triomphant.

Ce démon va me rendre fou....

Exact.

Je ne me laisserai pas faire.

Tu n'as pas voix au chapitre.

Frère Thumi...

Il est bien à bord du Triumph of Partenor....

Bien.

Mais n'oublie pas que tu es à moi...


"_En avant toute, cap sur lui !"

Marziel n'arrivait plus à discerner quelles étaient les pensées qui lui appartenaient encore. Sa vision se brouilla, et un hoquet de bile lui vint aux lèvres. Il s'accrocha aux bribes de sa volonté en déroute, et la rallia désespéremment. Il lui restait encore une chose à faire avant de s'abandonner à l'Autre, et que sa lamentable existence ne se termine dans l'indignité. Tuer Thumiel, restaurer son honneur, avant qu'il ne soit trop tard.

Alors que son armure énergétique lui irritait chaque centimètre de peau, que des tremblements incohérents secouaient son corps, Marziel se força à regarder la silhouette du croiseur de l'inquisition, éclat ténébreux sur une toile étoilée. Quelque part à bord de ce navire, sa rédemption l'attendait.


"_Le Triumph of Partenor nous demande de nous identifier, Monseigneur. Souhaitez vous entrer en contact avec leur commandant ?"

Avec le plus grand plaisir!

Quoi?

Ehhh.....depuis le temps que j'en entends parler de ce Thumiel, j?ai envie que tu me le présentes...

C'est une affaire privée, ne t'en mèle pas , démon !

Je suis toi et tu es moi, Marziel, il faudra bien que tu l'acceptes.

Il y eût un gresillement sourd, un morne fond bleu gris de chargement, puis l'écran projeta ses images sur toute la passerelle. Le temps de deux batements de coeur, il y eût la mise au point automatique du flou et des contrastes, puis Marziel le vit.

Celui qui avait occupé tout son esprit durant les six derniers mois de se vie. Et même avant, mais cela il ne devait le réaliser qui bien plus tard, quand son monde aurait changé, et que ses yeux s'affranchiraient des mensonges.

Pour l'heure, le Justicia Gladius se trouvait façe au visage qu'il devait exorciser, ce visage qui ne devait lui inspirer que haîne.

Alors, pour la première fois, il lui sembla que la voix de l'autre s'assourdissait enfin, et avec elle toutes les autres qui l'avaient hanté. Le chapelain Annael se tut lui aussi, de même que tous ces mentors, et d'autres voix plus distantes profondes qu'il refusait de nommer.

L'univers se rétrecit , et il n'y eût plus que lui et Thumiel.

Son ancien frère le dévisageait, sous une capuche de toile, son armure énergétique d'un noir roussi par les flammes, toute droit issue d'une forge démoniaque. Crânes grimaçants et trophées macabres avaient chassé les aquilas et l'épée embrasée, symbole de leur ordre. Mais il y avait autre chose.

Dans le regard.
Dans l'attitude.
Dans la posture.

Thumiel était détruit. Déchiré au delà de toute raison, consummé de l'intérieur par des passions incontrôlées, des visions impossibles. C'était comme si son ancien frère était porteur d'un fardeau titanesque, qui lui broyait les épaules.
Et la violence du regard qu'il lui rendit fit reculer le glaive de justice, malgré les distorsions et les incohérences de la transmission vidéo.

"_Par le trône...Thumiel, que t'ont ils fait..."

Et la voix rêveuse de son frère lui répondit, et il n'y avait plus rien du héros de Caneb, de l'homme qui l'avait relevé mille fois au coeur de la tourmente dans cette voix.

"_J'allais te poser la même question, Marziel..."

Marziel se détourna de l'écran, écoeuré. La déchéance, le vice et la folie qu'il lisait sur la crétaure qui avait été son frère était plus qu'il ne pouvait le supporter. Son regard dériva vers l'espace infini qui les entouraît, puis sur la surface flamboyante de son monde.

De leur monde.

Tous deux, fils de cette terre. Tous deux, nés dans la chaleur cuisante des vallées septentrionales. Quand ? Quand étais ce? Trois cent ? Quatre cent ans auparavant ? Et aujourd'hui ils étaient là, les deux fils revenus au berceau, partager leur héritage.

La querelle de succession ne semblait pas pouvoir être évitée.

"_Elle es belle, non? " la voix honnie s'élevait derrière Marziel. "Peut être l'aimes tu autant que moi, mais tu ne t'en rends pas compte. Pourtant, tu es sensible à la beautée, non ? "

"_ Je ne pensais pas qu'un être tel que toi pouvait encore aimer quoi que ce soit."

"_Et pourtant, j'aime. J'aime la beautée des arts, la beautée de l'horreur, la beautée du mal. La beautée de cette terre, aussi, de cette si belle terre resplendissante, lumineuse, qui abrite en son sein la plus lamentable des pestes."

"_Tu parles de nos frères..."

"_De qui d'autre ? Ils ont fait de ce monde le laboratoire d'un gâchis immense, et ils ont prostitué notre peuple. Je ne tolèrerai pas que cela continue. C'est bien trop laid."

Alors Marziel se retourna, et comme dans un rêve, il vit un sourire sculptural naître sous le capuchon de Thumiel, alors que celui ci s'approchait lentement d'une console de tir isolée.

Il se produisit alors plusieurs choses.

Une terreur profonde, un gémissement sourd naquit dans l'esprit de Marziel. Il sentit le long glapissement de joie de l'autre, et l'exultation malsaine du démon.
Sur la passerelle du Triumph of Partenor, il y eût un remue ménage soudain, alors qu''une partie de l'équipage tentait d'approcher Thumiel, et que d'autres s'interposaient.

"Tu n'étais pas prévu au programme, Marziel, mais au final j'apprécie que tu sois là pour assister à ça. Cela donne une petite touche personelle incontrôlée, aléatoire, de nostalgie."

"Une petite touche ? une petite touche à quoi ? glapit Marziel alors que tout son être l'implorait de faire quelque chose pour arrêter Thumiel.

"A mon chef d'oeuvre." D'un revers d'avant bras, Thumiel broya le thorax d'un marin qui était parvenu jusqu'à lui.

La lumière dégagée par Marsile irradiait sur la passerelle du Triumph of Partenor, et Thumiel l'accueilli en écartant les bras, son armure virant au blanc éclatant. Transfiguré, le traître se métamorphosait en ange.

Et, de son index, traça un cercle impétueux sur la console.


Alors, elle fut libérée. Marziel, incrédule, la vit jaillir de la proue du Triumph of Partenor et traverser, avec une monstrueuse lenteur, tout son champ de vision.

"Babel." Marmonna laconiquement un des serfs.

Et Marziel comprit enfin, et s'en fut fini de sa raison.


Marsile, segmentum obscurus

A onze heures quarante sept, heure solaire, le bloc propulseur se détacha, révèlant des mécanismes antiques qu'aucun technoprètre n'aurait jamais révé contempler.
A onze heures cinquante trois les rétrofusés s'encenchèrent en cascade, ralentissant la chute de l'annihilatum.
A onze heures cinquante six l'esprit de la machine injecta une part de sa conscience aux scanners et à l'analyse de l'air et des courants aériens.
A onze heures cinquante neuf l'esprit de la machine avait ajusté sa trajectoire vers un point d'explosion ou la dispersion du virus serait optimale.

A douze heures quatre ce point fut atteint.

Et la terre elle même fut détruite
Brûlée, dispersée au néant
Et les vents emportaient tout.

********************************************************************

Les grox luisaient au soleil de midi, pareils à de gigantesques cloportes. Courbés sous le poids de leurs gigantesques carapaces, ils broûtaient paisiblement, herbivores placides imperméables au tourments qui enflammaient le coeur des hommes.
L'herbe des plateaux de Ghana était fraiche et grasse.
Un léger vent d'Ouest apportait avec lui les relents de saveurs inconnues, d'une flore et d'une faune étrangère, sur d'autres continents, et bien d'autre choses encore.
Le soleil semblait hurler silencieusement dans le calme parfait de cette belle matinée.


Le berger se redressa et s'étira, faisant craquer ses os usés par dix années de vagabondage sur ces plateaux. Son regard sans âge dériva le long des vallées qu'il connaissait si bien, et un mince rictus de satisfaction perça sa masse de peau frippée, tannée par d'innombrabes jours comme celui ci.


Il jeta un regard discret vers son troupeau, vérifiant machinalement qu'aucune bête ne s'était trop écartée des autres. Les grox ne craignaient pas les prédateurs, mais la faim pouvait toujours pousser des villageois à braconner. Il soupira : même s'ils décidaient de tous mettre bas au même moment, ses grox ne lui causeraient jamais autant de souci que les hommes.

Soudain , une fulgurance soudaine illumina une vallée a une dizaine de lieux vers l'ouest, comme un feu de forêt. Le berger se leva , et contempla le feu diminuer progressivement, avant de s'étioler définitivement. Il fronça les sourcils : il n'avait jamais vu un feu éclater et s'éteindre si rapidement. Il n'y avait même pas de fumée.
Il songea brusquement aux hommes-rochers. Livré à l'inconnu et à la surprise, son esprit faisait précipitament appel au surnaturel et au mystique. Oui, les hommes-rochers, cela ne pouvait qu'être un de leurs tours.

Il secoua la tête, étouffant un éternuement. Cela ne le regardait pas , après tout. Il était loin, et n'avait rien à faire avec les hommes-rochers. Sa raison revenait bien vite, entraînée par la routine d'une existence simple. Depuis l'aube des temps, aussi loin que remontait sa mémoire, les hommes-rochers avaient existé, et cela n'avait jamais empêché les grox de paître, et les bergers d'errer de village en village.
Ainsi allait la vie depuis l'aube des temps.
Et rien, rien ne pouvait l'empêcher.
C'était tout ce qui importait au berger.

Il s'assit, toussa, et tira de sa ceinture une feuille de plantuvier. Il commenca à la rouler tranquillement, songeant que ses réserves touchaient à leur terme.
Il savoura particulièrement les premières bouffées, puis toussa à nouveau.
Il se rembrunit : il vieillissait, si il n'était pas capable de fumer une feuille sans tousser.
Il faisait très froid tout d'un coup.

Le berger ressera sa cape autour de ses épaules, alors que le sang achevait de remplir ses poumons.



Et la terre elle même fut détruite,
Et il ne resta plus rien de la terre.


Histoire de la majestée de l'espèce humaine, III,3


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MessageSujet: Re: Une autre histoire   Une autre histoire - Page 2 EmptyJeu 12 Mar - 20:16

Caïn était le frère d'Abel.
Abel était l'autre nom de Caïn.
Abel était un guerrier,
Caïn était un artiste.


Le détachement qu'éprouvait frère Marziel devant l'horreur de la scène l'étonnait lui-même. C'était comme si, parvenu à un certain palier dans l'horreur, son âme ne voyait pas l'intérêt d'en rajouter. Il regarda le minuscule point argenté se perdre dans les brumes dorées de son monde sans ciller, ému malgré lui par la beauté tranquille du spectacle.

Eternelle, à jamais vierge de toute souillure, Marsile rayonnait à l'heure de l'épiphanie.


Cet instant aurait pu se prolonger indéfiniment si Phylaas'Pek ne s'était pas soudain manifesté. Son exultation brutale, avide et carnassière arracha l'esprit de Marziel de la contemplation morbide de son monde.
« _Un banquet d'âmes !! Depuis quand ne me suis-je tant repu ? Béni soit ton ami Thumiel, car ma soif en sera peut être étanchée ! »

Marziel ne chercha même pas à le faire taire, sachant que c'était inutile. Mais toute l'agressivité impuissante qu?il accumulait se dirigea vers Thumiel. Celui, qui, perdu au fond de son délire, avait poussé l'intégralité de leur peuple dans les bras des démons.


Sa mission avait elle encore vraiment de l'importance ? Tuer Thumiel pour ressusciter l'honneur du chapitre lui paraissait désormais d'une puérilité quasi absurde....L'honneur du chapitre ? Qu'est ce qu'un traître pour un chapitre dont le monde se meurt ? Même l'idée de vengeance paraissait démodée. Châtier un traître n'empêcherait pas tout ce monde de mourir, et son peuple avec. Cela ne ferait que rajouter un cadavre.


Un de plus.


Les corps flottaient dans le vide spatial juste devant lui. Par marées compactes de corps emmêlés ; ils dérivaient, poupées désarticulées aux lèvres et aux yeux glacés, craquelées et fissurés par la froideur du vide. Par millions ils flottaient, formant une assemblée morbide à perte de vue, un tapis de cadavre monstrueusement silencieux. Hommes, femmes, nourrissons ne poussaient qu?un seul cri de leurs mâchoires inertes :

Pourquoi ?

Marziel ouvrit les yeux. Il avait mal à la gorge tant il avait hurlé. Son univers vacillait autour de lui. La silhouette du pont était floue et les serfs qui le dévisageaient, muets de stupeur, semblaient tanguer. Le glaive de justice posa une main sur son crâne, et le contact froid du métal de son gantelet le soulagea quelque peu.
« Ca y est », se dit il très dignement. « Je suis fou. »



Et parce que la folie l'effrayait, parce que la folie ne pouvait que le conduire à l'impensable et à l'ultime indignité, Marziel décida d'en finir.
« Magos , veuillez entamer le rituel de passage dans le warp. Bénissez ce vaisseau et son équipage. La barre au 250. En avant toute, cadence d'éperonnage. »

Les serfs, tout comme le magos de bord, ne brillaient pas spécialement par leur imagination. Il fallu une bonne minute pour qu'ils commencent à établir le lien entre ces ordres, et qu'ils bannissent tout doute de leurs esprits. Dans l'intervalle, leurs réflexes et leur conditionnement avaient joué, et ils avaient obéi.


Le magos se retourna, et à peine avait il ouvert la bouche pour protester que le Justicia Gladius s'abattait sur lui en sifflant, aspergeant le panneau de contrôle des moteurs warp de ses fluides.
Le sang grésilla un instant avant de disparaître, avalé par les myriades de fils et connections de l'esprit de la machine.
Autour de lui les serfs se levèrent en gémissant et en se griffant la peau, incapables d'admettre ce qui se déroulait sous leurs yeux. Quelques uns parmi les plus fous firent un geste vers Marziel, et le Justicia gladius les démembra en quelques moulinets gracieux.


Dans l'instant qui suivit, la totalité des occupants de la passerelle furent jetés à terre par l'accélération subite de la corvette. Tous, à l'exception de Marziel, dont les sens améliorés et les gyrostabilisateurs de l'armure prouvèrent une fois de plus leur utilité.
Autrefois, Marziel se serait félicité de cet éclatant exemple de sa supériorité. C'est à peine s'il la remarqua à ce moment, tant le génocide de son monde occupait ses pensées. Tout le reste était si trivial, si vain....


Il se tourna vers la console d'activation warp. Le techno prêtre avait rempli son office consciencieusement avant de mourir. Cette épitaphe en valait une autre.


Le choc que représentait un éperonnage était toujours critique, surtout lorsque une corvette rapide épronnait un croiseur faisant le triple de sa taille. Ce qui restait de la proue de la corvette vint se loger deux kilomètres derrière les tubes lance torpilles du Triumph of partenor. Le vaisseau inquisitorial ploya sous le choc, et ses cloisons déjà affaiblies par son retour dans l'espace matériel se rompirent.


A bord de la corvette, Marziel s'arracha de la console sur laquelle le choc l'avait empalé. Sa paque pectorale, rompue, racla sinistrement sur ses côtes. Devant lui, la silhouette crénelée du Triumph of Partenor occupait toute la baie d'observation.

Marziel saisit le levier d'activation des moteurs warp, et le poussa en avant.

Sa main ne tremblait pas.


********************************************************************


Quand vint le moment d'éprouver leur foi,
Caïn fit à l'Empereur l'offrande
Des fruits de la beauté et des arts.
Abel fit à l'Empereur l'offrande
Des fruits de la guerre et de la justice.


A environ un kilomètre devant la proue de la corvette, un vortex de sombres énergies naquit. Comme une cascade de tentacules de lumière, une brèche dans la réalité s'ouvrit et s'agrandit a vue d'oeil, tandis que les moteurs warp du petit navire jouaient sur l'équilibre précaire des réalités. Le warp se déversa goulûment dans l'étoffe de l'univers, et noya sur son passage le vide spatial et le Triumph of Partenor sans discrimination.


Les deux navires, unis dans leur étreinte mortelle, étaient irrémédiablement perdus. Si la corvette ne tentât- et pour cause- aucune manoeuvre d'esquive, le Triumph of Partenor essaya désespérément d'éviter le vortex en enclenchant ses rétrofusées.

Cette erreur scella le destin du navire. L'éperonnage, les dégats subis au combat, la puissance du vortex, l'inertie et les rétrofusées soumirent la coque du malheureux vaisseau à plus d'efforts contraires que sa structure fatiguée ne pouvait en supporter.

Ainsi le Triumph of Partenor, vaisseau de classe Lunar réquisitionné par l'Inquisition se désagrégea t'il en quelques secondes avant que ses débris ne fussent aspirés dans le warp par le vortex.

Le nuage de débris ne manqua pas de toucher la corvette responsable du désastre. Un morceau de pont du croiseur de huit kilomètres de long trancha en deux le navire de Marziel, et l'ensemble du drame fut consommé en quelques instants.

L'un comme l'autre disparurent dans le Warp au cours de cet engagement, et plus jamais l'on entendit parler d'eux sur les mondes des hommes.


********************************************************************
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MessageSujet: Re: Une autre histoire   Une autre histoire - Page 2 EmptyJeu 12 Mar - 20:17

Alors que son navire était aspiré dans les flammes ardentes du Warp, que sa passerelle se rompait et que la grand baie de plastacier éclatait, alors que les démons affamés jaillissaient du néant pour faire ripaille des âmes des serfs, alors que son monde n'était plus que regrets et cauchemars, alors même que les senseurs de son armure s'emballaient en affichant des données incompréhensibles, Marziel vit Phylaas'pek venir à lui.


Le démon se présenta sous sa vraie forme, une horreur monumentale aux neufs visages affichant en une fraction de seconde les neuf milliards de nuances des expressions humaines.
Là, il entraîna Marziel à travers les trombes du Warp, et le corps du marine, catapulté dans la fureur des éléments, n'était qu'un pantin.
« _Je dois avouer que je ne comprends pas » , scandèrent les neufs bouches railleuses, sardoniques, cyniques, moqueuses, cruelles, arrogantes, suffisantes, prétentieuses et railleuses.« Tu n'étais pas obligé de commettre cette folie. Etais tu vraiment si pressé d'être mien ? Et pourquoi la mort des âmes de ce monde te fait il cet effet ? Ils n'ont rien de spécial, et leur destin est de mourir, d'une façon ou d'une autre. »

« Je ne pense pas que tu puisses comprendre, démon.... C'est lié à ce que je suis », répondit Marziel en se demandant si il vivait encore. « Ou plutôt à ce que j'étais » ajouta Marziel en fermant les yeux. Il s'abandonnait à l'appétit du démon, et pour se préserver de la peur, il plongea dans ses souvenirs.

Avant.



L'Empereur porta un regard favorable sur l'offrande d'Abel
Mais il refusa l'offrande de Caïn.
Alors naquit la douleur dans le coeur de l'artiste
Et la jalousie sublima sa muse.
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MessageSujet: Re: Une autre histoire   Une autre histoire - Page 2 EmptyJeu 12 Mar - 20:21

Marsile, segmentum obscurus


Pendant très longtemps, il n'entendit que le battement feutré de son coeur.
Puis une légère brise tiède ébouriffa ses cheveux et les hautes herbes.
Il sentait la vie suinter du moindre atome de son corps. Il sentait ses veines palpiter, sa poitrine se soulever et s'abaisser dans ce geste si anodin et si crucial qu'elle accomplissait depuis les origines de sa vie.

La chaleur cuisante du sol s'élevait tout autour de son corps allongé. De sa main gauche, il palpa tendrement les herbes hautes, et plongea avec délectation ses ongles dans la terre craquelée. Il savoura ses sensations si simples et si familières.

Il était chez lui.

Alors il ouvrit les yeux.

Le bleu violent du soleil lui sauta aux yeux, et il ne put réprimer un gémissement, le temps que ses iris s'accoutument à la lumière.

A l'est, le ciel se teintait d'orange et de pourpre. A l'ouest, une lente lame de fond nocturne déchirait le ciel en annonçait la fin de ce jour parmi tant d'autres.
Abel soupira. Le temps était venu de rentrer. Il décida néanmoins d'attendre que le tocsin de Tolèdon ne le rappelle au village, lui et les autres enfants. Un court instant, Abel se demanda ou étaient passés ses amis pendant qu'il faisait la sieste.

Il se redressa lentement, et il balaya les environs du regard. Il avait dormi au milieu d'une longue pâture en pente douce, qui débouchait sur un bosquet d'arbres et de saules. Sur la droite, quelques grox broutaient placidement sans lui prêter la moindre attention.

Il se demanda combien de temps il avait dormi. Cette sieste lui semblait avoir duré l'éternité. Il avait tant rêvé.... Rêvé d'hommes rochers, de guerre et de démons... De choses terribles et belles, c'est ce dont il se rappelait.

Abel se secoua et s'ébroua en étirant son corps ankylosé. Il chassa ce rêve de ses pensées, avant de réaliser que ce rêve n'en avait pas été un.

Son corps était recouvert de pierre grise.

Abel regarda sans les reconnaître les deux mètres cinquante de corps en armure allongé qui lui appartenaient manifestement. Puis son regard tomba sur le glaive de justice qui luisait comme un miroir dans l'herbe, à ses côtés. Alors Abel se rappela, et deux siècles de souvenirs et de souffrances envahirent sa mémoire.



Alors l'empereur parla à Caïn:
« Pourquoi es tu triste, et pourquoi ton front est il abattu ?
Certainement, si tu agis bien,
Alors j'apprécierai ton offrande. »



Il descendit lentement la pente d'un pas errant, s'émerveillant de voir renaître son ancienne vie sur chaque pierre, chaque prairie, chaque bosquet. Il pouvait entendre les cris rageurs de Vane se prenant le pied dans une racine, et le rire moqueur de Parek. Dans l'air flottait un parfum de chèvrefeuille et de fumier.

Le vent d'ouest apportait aussi son lot de senteurs inconnues, la flore d'outres continents, et bien d'autres choses encore.

Alors que la lueur du ciel déclinait rapidement, que les ombres s'allongeaient sur la vallée, Marziel avançait comme un somnambule, ivre de nostalgie et de douleur.

Il touchait du bout des doigts les herbes sèches. Etaient elles bien réelles ? Il sentait les graines se répandre sur ses doigts, et le pollen coller à la sueur de ses mains. Le monde lui semblait si vrai, si vivant...


Car rien n'avait changé...


Le monde était exactement le même que celui qu'il avait laissé derrière lui deux siècles plus tôt. Les lézards se jetaient sous les pierres à son approche, et la chaleur de la journée s'élevait vers les cieux en colonnes d'air troubles. En se retournant, Abel put même voir les maisons de pierre blanche du village, le long de la corniche qui surplombait la vallée.

Alors pris de honte, Abel accéléra et s'enfuit à travers les bois, au fond de la vallée, loin du regard des siens. Et là, il se cacha, car il ne pouvait pas supporter ce qu'il était. C'était d'ailleurs étrange. Il avait toujours pensé que si il devait rentrer un jours dans son village natal, il inspirerait fierté, crainte et émerveillement. Mais le jour venu, Marziel n'éprouvait que honte et humilité.

Alors qu'il gisait là, prostré dans les sous bois dans le soir qui tombait, une lueur fugace attira son attention. Avant même d'en avoir conscience il était debout, et marchait lentement vers cette radiance dorée qui fusait entre les troncs et les feuillages.

Puis, comme des rideaux s'effaçant pour dévoiler la scène finale du drame, les feuillages s'écartèrent pour révéler un trou d'eau.


Le trou d'eau des lucioles.


Les derniers rayons du jour enflammaient les feuillages qui tombaient en cascade dans le petit lac. L'eau, peu profonde était d'un calme parfait, une perfection glacée et lisse qui ne pouvait inspirer que calme et sérénité. Les broussailles venaient mourir sur les pierres grises qui bordaient le bassin, et des nuées de graviers en parsemaient le fond. Lentement, les étoiles de segmentum obscurus vinrent s'allumer sur la surface limpide de l'eau. L'oeil de la terreur lui même devint visible, dans un coin de la mare, et semblait lorgner les autres étoiles d'un oeil avide et jaloux. Tout autour du bassin apparaissaient les éphémères lucioles des soirs d'été. Par centaines elles affluaient, tourbillonnant fugacement au dessus des pierres au bord de l'eau.

Marziel, le Justicia Gladius, Space Marine du chapitre des Emperor's Sword, eût le même regard captivé en les voyant qu'un jeune garçon de huit ans appelé Abel, qui les regardait deux siècles plus tôt.

San réfléchir, Marziel se promena au milieu de cette féerie, laissant les lucioles virevolter autour de lui, tentant de les saisir fugacement du bout des doigts.

Son pied en armure heurta la surface de l'eau et le charme fut rompu.



L'onde troubla la perfection glacée du trou d'eau, et les étoiles vacillèrent, révélant l'immonde charnier qui gisait au fond.
Marziel vit alors une cinquantaine de corps emmêlés, aux lèvres bleuies et aux yeux globuleux, et reconnu les corps de habitants de Tolédon, qui gisaient là, noyés. Tout le village s'étreignait au fond de l'eau dans la douleur du trépas.


Marziel releva précipitamment la tête vers le grand rocher calcaire qui dominait le bassin. Autrefois, quant il était jeune, ces amis et lui venaient ici pour éprouver leur courage et leur audace en sautant du plus haut point possible.


C'était en haut de ce rocher ou ils s'étaient tenus naguère que l'attendait Thumiel.


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MessageSujet: Re: Une autre histoire   Une autre histoire - Page 2 EmptyJeu 12 Mar - 20:30

Mais, dans la pénombre de la nuit,
Caïn vint trouver Abel,
Et là, par la parole, Abel fut vaincu
Et Caïn tua Abel.


Le traître.

Il était assis , les mains reposant sur ses jambières. Son armure n'avait plus le lustre d'or du chapitre, mais était recouverte d'une fine péliculle de cendre. D'élégantes ciselures d'argent fin couraient le long de ses articulations et la lueur des lucioles s'y accrochaient par intermitence. Il portait à son côté sa rapière énergétique, inerte. Une statue d'adamantium, un roc perché en haut d'un autre roc. Son immobilité avait quelque chose d'angoissant.


Et tout en haut, éclairé par la lumière blafarde de son gorgerin, il y avait le visage.
Il n'avait pas changé : ce nez droit que l'on murmurait un héritage de leur primarque, ces traits allongé par le gigantisme de l'Astartes. La damnation du marine était aussi visible, mais de façon plus subtile : il y avait ces joues légèrement creusées, les rides prématurées autour des yeux dont perlaient en permanence quelques lentes larmes rouges...Et puis, il y avait les marques de l'indiscipline. Les cheveux et la barbe poussaient rapidement, noyant les implants corticaux sous leur croissance enthousiaste, rouvrant au passsage d'anciennes plaies.


«_ Marziel. Tu en as mis du temps. »
La voix de Thumiel ne recèlait aucune animosité, même si Marziel pouvait discerner la passion dévastatrice qui rôdait en permanence derrière ces paroles. Sur la passerelle de son vaisseau, Marziel avait déjà put mesurer à quel point Thumiel était déséquilibré, et comment la moindre parole pouvait tout faire basculer. Il répondit calmement , en mesurant la distance qui le séparait de son ancien frère.

« _Je crois avoir dormi. Là bas , à flanc de colline .»

« _Moi je n'ai pas dormi. Pendant que tu dormais, j'ai eu fort à faire... » Il eu un rire triste, qui sonnait faux. « C'est toute l'histoire de nos vies, en fait.... »

Marziel ne tenait pas à le suivre sur ce terrain. Il préféra poser la question qui l'obsèdait toujours plus de minute en minute.

« _Ou sommes nous? Est ce que tu.....est-ce que nous..... »
« _.......Sommes morts ? A ton avis Marziel ?

« _Je ne sais pas. Tout à l'air si réel...j'ai l'impression de respirer, de sentir, de bouger comme si je vivais encore... »

« _Tu as tout fait pour que nous mourrions pourtant. D'ailleur tu m'as surpris, je dois l'avouer. Je n'aurais jamais cru que tu en sois réduit à un tel degré de désespoir. »

« Et pourtant nous nous retrouvons ici... »
« Ce qui ne laisse que deux solutions : soit nous sommes vivants, et ton petit abordage a causé une distortion warpienne suffisament puissante pour nous téléporter ici , soit nous sommes morts, et tout cela n'est qu'un fantasme de nos esprits qui délirent dans le warp... »


« Ce n'est pas si différent, en fin de compte. »

Thumiel eut un vague sourire.
« En effet, je suis heureux que tu t'en rendes compte. Mais personellement, je pencherais plus pour la première hypothèse. Lorsque la passerelle du croiseur s'est rompue et que je me suis fait aspirer dans le warp, je me suis raccroché au souvenir de notre planète.....ou je me suis retrouvé l'instant d'après. Avoue que c'est une étrange coïnscidence, quand même. »


« _Ce doit être ca. Je pensais aussi à elle. »

Marziel regarda autour de lui. Les souvenirs de sa première vie l'assaillaient de toute par avec cette violence poignante de la nostalgie. Son armure lui semblait lourde et déplacée dans cet environnement d'un beautée primitive. L'horreur du trépas de son peuple, la folie latente de son interlocuteur , l'incertitude la plus totale de la nature de l'univers dans lequel il évoluait, tout cela se combina pour que Marziel se sente flirter avec les frontières même de la démence.

La voix de Thumiel s'éleva de nouveau de son rocher.
« Rappelle moi, Marziel, pourquoi sommes nous ici ? »

« Pour effacer l'erreur qui a été commise. Pour supprimer ton existence des annales mêmes de l'histoire. »

« Comme c'est dommage...Tu sais , si nous avons vraiment été téléportés sur Marsile, nous n'avons gagné qu'un répit de quelques heures. En ce moment même, le virus de Babel consume toute la planète. Nous allons survivre dans un premier temps grâce à nos armures et à nos facultés de résistance, mais nous ne survivrons pas. Alors plutôt que de nous entretuer bêtement, j'ai pensé que nous pourrions faire une sorte de pélerinnage. Je pensais que puisque nous allons mourir, si ce n'est pas déjà fait, nous pourrions nous recueillir sur la tombe de nos deux vieux amis... »

« Qui ça ? » demanda Marziel en jetant un regard circonspect sur les frondaisons obscures autour du trou d'eau.

« Caïn et Abel...Tu ne te souviens pas Marziel ? Nous avons été heureux ici. Plus heureux que ce qu'il nous est possible d'imaginer aujourd'hui. Nous étions joyeux, insolents, fiers et sûrs de nous. Et il y avait les rires... »

Le pâle écho d'un rire naïf résonna sur les berges du trou d'eau.

Thumiel releva la tête, et planta son regard dans celui de Marziel avec plus de cruauté que s'il maniait une épée.

« Depuis quand n'as tu pas ri, mon frère ? »

Marziel détourna le regard.

Thumiel soupira. « Peut être devrais je trouver matière à rire, justement, en voyant ce gâchis. Tu étais quelqu'un de bien, Marziel, avant. N'étions nous pas amis de notre plein gré, avant d'être frères par la force ? »

« _Tais toi. » souffla Marziel, la main crispé sur la garde du Justicia Gladius.

« Je suis sûr que tu t'en souviens. Je suis sûr qu'ils n'ont pas réussi à tout t'enlever. Je suis sûr que tu as gardé des souvenirs de cet endroit, de ce que c'était de vivre ici, sans penser à l'avenir, à la haine, et à ne croire en rien. »poursuivit Thumiel, impitoyable.

« _Tais toi. »

« Souviens toi de ce goût Marziel. Ce goût frais et salé dans la bouche quand nous nous levions le matin. Cette sensation douce et lumineuse, ce souffle de vent sur nos bras nus? Ce goût de liberté, tu y as renoncé, Marziel. Jour après jour, année après année, tu as avalé la soupe amère des chapelains, tu as oublié ce que c'était de choisir ce que Tu voulais faire de tes journées. Pourquoi? Pourquoi ce sacrifice, mon frère, pourquoi as tu accepté ces chaînes !?! »

La colère de Marziel s'embrasa enfin :
« Pour une cause bien plus vaste et noble que la liberté de notre peuple ! Pour assurer la survie de l'humanité, touit simplement ! Pour que partout dans la galaxie, il y aît un jour de plus, un jour ou des hommes naissent, vivent et meurent en paix ! Pour le simple fait de continuer, envers et contre tout, à exister ! »

« Tu as vu comme moi bien des mondes de l'Imperium, Marziel. Tu as vu la corruption, la médiocrité, la misère, l'incompétence, la famine ou l'inconscience ! As tu vu quelque chose qui justifie notre sacrifice ? »

J'ai vu la misère et le vice, c'est vrai, mais j'y aît vu aussi la foi, l'espoir et la fierté. Et quand bien même l'humanité serait elle méprisable, je la préfère au néant ! »

« Il y a d'autres voies, Marziel. D'autres idéaux, d'autres philosophies, d'autres fiertées. Il y a la beautée, l'accomplissement dasn l'art et le génie. C'est là que les hommes doivent s'accomplir, et pas dans la servitude aveugle et résignée, dans des vies médiocres et sans grandeur ! Ces voies existent depuis toujours, et ils nous les ont cachées ! Ils nous ont menti, ils ont retiré à nos vies toute saveur, et ils nous ont enchaînés, pour satisfaire leur égo et leur ignorance !»

« Et quel est ton art, Thumiel ? »

« Mon art est le mal. » répondit Thumiel en caressant doucement la tête dessèchée accrochée à son épaulière gauche.

« Tu es égoïste Thumiel. Tu l'as toujours été. C'est ta faille, et je ne l'avais pas remarqué. »fit Marziel en lui tournant le dos avec dégoût. « Même à Caneb, quand tu as pris ce théâtre, tu ne pensais qu'à toi, à ta gloire. Tu n'aurais jamais dû être un Space Marine »

« Jamais, en effet... Qui sait », ajouta t'il en contemplant rêveusement les silhouettes indistinctes des maisons de Tolèdon qui disparaissaient dans l'obscurité, « peut être serais-je devenu quelqu'un de bien ?. »


« Et eux? » demanda Marziel avec hargne, en désignant le tapis de cadavres au fond de l'eau. Pourquoi les as tu tués? Ils allaient mourir de toute façon. Pourquoi ce crime inutile de plus? Pour le simple plaisir de tuer? »

« Par amour, bien sûr. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait par amour pour eux. J'aimerais tellement que tu comprennes, Marziel. Que tu ouvres ton esprit. Je ne voulais pas qu'ils souffrent, ou qu'ils meurent sans comprendre. Alors, pendant que tu dormais, je suis revenu au village, et....je les ai libérés. Maintenant, ils sont enfin des hommes. Ils ne sont plus le bétail de l'Empereur, ni des souris de laboratoire pour les Emperor's Sword. Ils sont enfin libres. »


Les lucioles tournaient toujours dans le silence. L'un et l'autre ne parlaient plus, évitant de se regarder en façe. Ils sentaient tous deux qu'ils avaient atteint les limites de leur conversation. Ils avaient chacun jeté un pont sur l'abîme entre leurs philosophies, mais il restait un écart, un gouffre insondable que rien de ce qu'ils pourraient dire ne saurait combler. Enfin, difficilement, Marziel croassa:

« Tu sais que je ne verrai jamais les choses comme toi. »

« Oui... » et Marziel fut surpris de voir d'authentiques larmes couler sur les joues du traître, alors que les dernières bribes de son humanité se frayaient un chemin sur son visage. « Oui, et de tout ce que nous avons vécu, c'est là la seule véritable tragédie. »

Le glaive de justice partit d'un éclair blanc.

La lame de Thumiel lui répondit d'un feu sombre.

Dans la lueur de leurs lames respectives, les deux frères s'embrassèrent du regard.

Puis la passion et la haine s'emparèrent de leurs âmes, et Thumiel bondit de son rocher alors que Marziel venait à son rencontre, projetant en tous sens des trombes d'eau malmenées.

C'est là qu'ils s'affrontèrent, au milieu du ballet des lucioles, sous la lueur trouble des étoiles qui s'étiolaient déjà dans la lente agonie de l'atmosphère de leur monde. Bientôt, il tounèrent au milieu d'un lourd panache de vapeurs d'eau soulevé par les moulinets de leurs lames. Tous les deux, enlacés dans une danse complexe de passes d'armes étourdissantes, ils confrontèrent enfin le savoir faire martial qui leur avait été conjointement inculqué avant d'être enrichi de leurs expériences solitaires.

L'art de Marziel était celui du guerrier accompli et besogneux, sobre et efficace, rodé par des siècles d'usage et la certitude du bon droit. Mais il y fusait aussi l'étincelle de génie que seul le plus complet désespoir et l'abnégation pouvait lui confèrer. Là, assènant de tous cotés de flamboyants revers, bondissant, roulant de coté, entrant dans la garde de son adversaire avec une folle témérité, Marziel reçu ce qui lui avait toujours manqué : l'inspiration.

L'art de Thumiel était d'une toute autre nature, et le mot « inspiration » paraîssait bien fade pour le décrire. Habité. Déchaîné, aurait dit Thumiel lui même en écho à sa soif de liberté.Il s'affranchissait enfin des dernières conventions résiduelles qui salissaient sa muse guerrière de leur inertie, et, dans un état second, se laissait porter par la moindre de ses sensations. Ces gestes, incohérents et déments, fusaient sans la moindre coordination rationelle, non dans le but de tuer ou de vaincre, mais bien dans le seul but qui avait, au yeux de Thumiel, encore de l'importance : La beautée.
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MessageSujet: Re: Une autre histoire   Une autre histoire - Page 2 EmptyJeu 12 Mar - 20:35

Et beau, son art l'était. Traînant son panache embrasé derrière elle, sa lame traçait une toile de fond morbide autour de Marziel, faisant étinceler les armures et les yeux, vrillait la pensée et la céramique, embrasait les flots de son reflet sifflant. Et dans l'esprit délirant de Thumiel se composait une oeuvre à couper le souffle, son monde n'étant plus que traînées ardentes, panaches d'étincelles, bouquets de sang, et armures rutilantes, le tout s'assemblant pour former le spectacle le plus grandiose qui soit.


Saoul de joie et d'horreur, il s'imprègnait de tout : de l'agonie silencieuse des arbres privés d'oxygène, des craquements indistincts des corps qu'ils broyaient sous leurs pieds, de l'air saturé d'humidité qui embaumait son visage, et tout cela lui confèrait une force et une inspiration prodigieuse, insufflant à son esprit une créativité sans limites.


Cette passion dévorante aurait pû sonner plus d'une fois le glas de Marziel, dont l'art, bien plus académique, se limitait à des normes et à des codes dont se jouait son adversaire. Mais le Justicia Gladius, long de près d'un mètre quatre vingt et pourtant aussi léger qu'une baïonette délivrait toute sa fureur, alimentant les efforts de son porteur, repoussant brutalement la lame de moindre lignage de Thumiel, et traçant un rideau infranchissable de parades devant Marziel.



Et tout autour tournaient les lucioles.



Aucun des deux marines, pris dans leur folie meurtrière, ne le remarqua, mais elles disparaissaient à vue d'oeil. Dans l'atmosphère qui se raréfiait, tandis que le virus de Babel les rongeait en quelques instants, elles avaient à peine le temps de naître pour se reproduire. Et, répondant à quelque antique instinct de survie, dans une pathétique tentative de perpètuer leur espèce quelques instants de plus, elles se reproduisaient à un rythme effrèné, chacune ne brillant qu'un court instant, le temps de donner la vie.

Mais déjà leur nuage se dissipait, et par la simple application des loi mathématiques et de décomposition des tissus, elles ne seraient plus assez nombreuses. Elles allaient être réduites au néant. C'était un jeu cruel, dans lequel les lucioles, incapables de s'adapter à leur environnement, luttaient aveuglément pour retarder l'inéluctable.


Et cela était beau.


Thumiel se serait certainement émerveillé de cette oeuvre qui découlait naturellement de sa décision de détruire leur monde. Mais impliqué comme il l'était dans son duel, il ne percevait rien d'autre que la toile qu'il composait en commun avec son ancien frère.

Mais alors qu'ensemble, lame contre lame, ils dépassaient les frontières de l'humanité, jetant dans le brasier de leur haîne jusqu'à la mondre de leurs forces et de leur raison, leurs corps ressentaient eux aussi la décomposition qui affectait les lucioles. Déja, le virus s'infiltrait par les plus infimes interstices de leurs armures, infectait leurs respirateurs et se répandait dans leurs veines.

Dès lors, ils s'essouflèrent, leurs gestes se firent maladroits, et des failles se manifestèrent dans la maestria de leur affrontement, des failles que l'autre était incapable d'exploiter. Ce que Thumiel avait toujours redouté par dessus tout se produisait : le moment ou son corps ne parvenait plus à traduire ce que son esprit lui soufflait. Usé, vieilli, l'artiste sentait son talent se fâner et s'échapper par le moindre pore de sa peau.

Alors il prit la même décision qu'avaient pris les milliards d'artistes avant lui, et qui se sentant perdre tout ce qui faisaient d'eux des êtres à part, voulurent en finir.


Devant lui, Marziel, épuisé, suant, se reposait sur la garde du Justicia Gladius. La tête baissée, il respirait bruyament, incapable de parler. Un sang épais et sombre coulait paresseusement de son cou et des coins de sa bouche, s'écoulant en minces rigoles dans les creux de son armure, ensanglantant la sculpture de l'aquila gravée sur son plastron.

Thumiel retroussa les lèvres dans un dernier rictus de haine. Cet aquila le narguait, une fois de plus, absorbant le sang de son frère comme un hideux vampire, comme il avait absorbé le sang d'innombrables générations de son peuple avant lui. Mais c'était fini, à présent. Il avait été l'ange rebelle, et son peuple était désormais hors d'atteinte. Il n'en restait plus qu'un, un seul, à libérer.


Derrière eux, la dernière luciole se volatilisa, et le trou d'eau tomba dans l'obscurité.

« Par amour, mon frère. »parvint à articuler Thumiel en brandissant sa lame.

Marziel l'entendit il seulement ? Etait il déjà parti, vaincu par le virus ? Ou bien finalement avait il compris ce que Thumiel voulait, avait il accepté, s'était il finalement rendu à ses arguments ?

Toujours est il qu'il ne bougea pas quand Thumiel lui porta l'estocade finale. L'épée flamboyante l'empala sans rencontrer d'opposition, exactement au milieu de son plastron, épinglant l'aquila comme un vulgaire insecte. La plaque pectorale se rompit dans un craquement sec, alors que l'épée de Thumiel s'y fichait jusqu'à la garde. La tête de Marziel partit violament en arrière , et un fin geyser de sang jaillit de sa bouche, ultime offrande à l'art de son frère. Disloqué, le pactage dorsal du Justicia gladius chuta lourdement de son dos. L'instant d'après le glaive de justice lui même glissa de ses doigts inertes, et disparut dans les flots.

Alors lentement, Thumiel retira sa lame des côtes de son frère, et le laissa glisser à terre. Marziel, de son vrai nom Abel , alla rejoindre le peuple de Tolèdon au fond du bassin.


Alors l'Empereur parla :
« Caïn, ou est passé ton frère ? »
Et Caïn, pris de honte, répondit :
« Je n'en sais rien ! Suis je le gardien de mon frère ? »


Seul resta Thumiel.

Il tomba à genoux.

Son corps, il le sentait, n'était plus qu'une vaste plaie purulente.

Il était seul.

Il n'y avait plus de lucioles. Les arbres s'effondraient sans un bruit, car il n'y avait déjà plus assez d'air pour convoyer des sons.

Seul.

Il tenta de ramasser un des cailloux au bord du bassin, un de ces cailloux avec lesquels il avait appris à faire des ricochets, ici, il y avait si longtemps.....

Il n'en avait plus la force.


Alors l'Empereur fut pris d'un grand courroux :
« Qu'as tu fait ? J'entends hurler le sang de ton frère, qui couvre tes paroles !
Pourquoi crois tu que j'aie donné à l'humanité deux frères ?
Jusqu'ou va la stupidité de l'artiste,
Qui a cru pouvoir vivre sans le guerrier ?
Tu n'as pas compris que c'est toi que tu tuais,
En tuant ton propre frère ?



Son armure, vaincue , s'effritait en fine poudre.

Le ciel se teintait d'un noir absolu, angoissant, et les étoiles brillaient comme jamais, leur lumière n'étant plus filtrée par l'atmosphère.

La beautée du mal....

Tout était gris, morne sans vie. L'herbe jaune avait disparu des collines, et le vent d'ouest s'en était allé.

Seul.


Thumiel se sentit glisser dans l'eau qui disparaissait, et il ne voyait déjà plus rien.

Tout au fond de l'eau, le doux ecrin de cadavres l'attendait, il voyait les rictus de joie, les regards emprunts de fierté et de gratitude, les chants de bienvenue.

Il sentait l'odeur des lezards frits et de l'encens des veillées.

Alors qu'il s'abandonnait enfin à la mort, sans regrets, il sut enfin qui il était.

Il s'appelait Caïn. Caïn Paléone, frère d'Abel. Il n'était ni Impérial ni chaotique..

Il était un artiste.



Et l'Empereur fit une tombe unique,
Ou reposaient ensemble les deux frères,
Caïn et Abel, l'artiste et le guerrier,
Et l'Empereur posa une marque sur cette tombe,
Pour que tous sachent et s'en détournent.

Histoire de la majestée de l'espèce humaine, I.XII


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MessageSujet: Re: Une autre histoire   Une autre histoire - Page 2 EmptyJeu 12 Mar - 20:37

Ainsi s'achève l'histoire de l'hérétique Thumiel
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MessageSujet: Re: Une autre histoire   Une autre histoire - Page 2 EmptyLun 19 Oct - 23:42

superbe histoire. je la trouve très bien rédigée et bien ds l'ambiance 40k. on comprend mieux ce ki a pousser des membres de l'astartes a devenir des serviteurs du chaos. on est bien ds la peau des personnages pris successivement.
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